LES TOURNANTS ROVIGO. QUARTIER D'ALGER.
SOUVENIRS SOUVENIRS ....
Hervé CUESTA,
sur site le 23/09/2002

 
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-------Samedi 17 juin 2000, le Cercle algérianiste de Nice et sa Présidente Michèle Soler avaient organisé au Grand Séminaire une réunion-causerie sur les Tournants Rovigo animée par Pierre Dimech, Président National, autour d'un diaporama réunissant des photos personnelles de l'auteur.
-------Malgré une chaleur étouffante, la salle fut rapidement remplie par 80 personnes environ et la conférence put démarrer à 18 heures 30 précises, réalisant ainsi un vieux projet de Pierre et moi-même.
-------Tout au long de cette promenade, l'auteur a su nous faire partager son amour quasiment viscéral de son quartier et d'Alger en général.
-------Parti en quête de son enfance et des moments ensoleillés, il fut intarissable sur la vie de son quartier.
-------Ce quartier ou "non-quartier", un peu secret, refermé sur lui-même, était moins connu que Bab-El-Oued ou Belcourt, mais possédait quelques sites appréciés entre autres : le square Bresson, l'Opéra, l'église Saint Augustin et la célèbre Ecole Dordor.
-------En se remémorant de petites anecdotes ou querelles de voisinage (la clé de la terrasse, les jours de lessive !...), en citant le nom des commerçants à chaque segment de virage des Tournants Rovigo, Pierre Dimech plonge tout de suite son auditoire dans une ambiance conviviale et chaleureuse.
-------Il s'attarde ensuite sur les origines de cette rue longue de plusieurs kilomètres, dont le tracé en serpentin menait pratiquement du niveau de la mer aux hauteurs des tagarins, vers El Biar. La rue Rovigo a d'ailleurs été longtemps la seule voie menant de la basse ville jusqu'au Sahel, donnant accès aux collines telle une route de col. Elle est née de l'idée et de la stratégie de l'expension française hors d'Alger.
-------Photos à l'appui, Pierre Dimech nous démontre que les immeubles de son quartier ont été construits dès le second empire et pour compenser la déclivité du terrain, certains possédaient quatre étages côté colline et sept, côté mer.
Nous pouvons admirer de splendides photos du port d'Alger prises de la fenêtre du 55 rue Rovigo d'où Pierre pouvait s'enorgueillir d'avoir sur un perchoir extraordinaire, une des plus belles vues du monde.
-------Il nous invite à commencer notre promenade par le square Bresson connu pour ses bourricots, ses yaouleds, ses ficus remplis de milliers de moineaux dont le chant faisait un vacarme assourdissant, les soirs des journées chaudes d'été.
-------Derrière le square se trouve l'Opéra, lieu magique qui enchanta l'adolescence de Pierre Dimech (c'est d'ailleurs le thème d'une de ses conférences ). Sa voisine Irène Jaumillot, premier prix du conservatoire d'Alger en 1957 est devenue une très grande cantatrice française; à l'âge de 20 ans elle interprétait Marguerite dans Faust de Gounot.
-------Maintenant débute vraiment l'ascension des Tournants Rovigo par la rue Dumont D'urville, la rue Henri Martin, le marché de la Lyre, la rue Rovigo et le square Montpensier, à cet endroit la Kasbah est frontalière par le boulevard Gambetta et la rue Montpensier.
-------La rue Rovigo longe le stade Mingasson et nous permet d'accéder au sommet de la colline, aux Tagarins et sa tristement célèbre caserne des Gardes mobiles.

Pierre Dimech pense comme moi, que le centre des Tournants se situe au Cadix dans un des nombreux virages en épingle à cheveux, car ce carrefour les relie au centre d'Alger, par la rue Mogador vers la rue d'Isly et par les rues Dupuch et Saint Augustin vers le G.G.
-------Par cette dernière et par les rues Levacher et Pirette on peut accéder à la forêt d'eucalyptus des Quatre Canons qui fut pour nous un jardin de fraîcheur et de jeux les jeudis ou durant les sorties en plein air de l'école Dordor ou du Patronage Saint Augustin.
-------L'école Dordor, chère à mon coeur et celui de Pierre, où l'on ne dormait pas précisément, contrairement au nom qu'elle portait. L'enseignement prodigué était d'un niveau qui faisait honneur à sa réputation et ce, malgré la guerre, et les trous que celle-ci creusait au sein des enseignants. La discipline ne lui cédait en rien, les instituteurs étaient bien encore ces fameux "hussards noirs de la République" qui, à l'égard des cabochards, maniaient moins la dialectique et l'ouverture que la fessée, à savoir " la tannée " . Nous apprécions un diplôme de Français attribué à Pierre en 1944 par Monsieur Daumas, et une photo de classe du cours préparatoire 1949, institutrice Madame Coulon dont j'étais élève, ainsi qu'un croquis paru dans un roman picareste de Jean Simonet et dont l'action se situe rue Levacher et dans le ravin des Quatre Canons.
-------Nous admirons ensuite des photos de l'église Saint Augustin où presque tous les habitants du quartier ont été baptisés, ont fait leur communion et se sont mariés. L'émotion nous saisit lorsque nous découvrons la nef et l'autel, mais un sentiment de tristesse et de dépit nous envahi à la projection des trois ou quatre diapos suivantes révélant sa démolition et sa transformation en Grande Mosquée.
-------Pierre terminera sur une note plus optimiste, un lever de soleil sur le port d'Alger, photo prise en septembre 1960.
Ce qui ne l'empêcha pas de nous lire, en épilogue, une lettre émouvante d'un ami et voisin Luc Boivin : "Mon ami François Vernet m'a donné ton texte sur la rue Rovigo. Tout ancien du quartier se retrouve chez lui et que de figures inoubliables, personnages d'opérette, devenus perles de tragédie! Je pense à Missud, un vrai pharmacien, pas comme ceux d'aujourd'hui, transformés par le système en boutiquiers. En face, les croissants aux amandes des Capprioli, en bas de l'avenue Gandillot, Casalta et sa belle 350 Machless. Une pensée pour Espitalier l'épicier et son voisin le réparateur de TSF, j'en ai encore l'odeur du magasin; toute une noblesse populaire que des salauds ont fait périr avant l'heure!
Ceux qui ont laissé commettre le crime inexpiable de détruire ce petit monde sont d'ores et déjà châtiés, Marseille en première. Je donnerai leur plus belle ville du monde, Paris, pour deux ruelles, la rue Garoué et la rue Labardinais, où court toujours pour moi la petite Nadège !....
.....Fais moi une dédicace qui sente la rue de Bône, ce mélange de vent de mer, d'odeurs de cuisine,et de petites copines, plus précieux que jamais !"

-------La réunion s'achève sous des applaudissements chaleureux et congratulations, avant de se retrouver à la salle de restaurant du Grand Séminaire pour un repas convivial.
-------Je souhaite à Pierre Dimech un succès identique pour toutes les futures promenades qu'il projette de faire prochainement dans nos cercles.
-------Le but de ces réunions-causeries étant de se remémorer les jours heureux de notre quartier et de renouer des contacts avec les anciens. Pourrons-nous créer un jour une association d'Anciens des Tournants Rovigo ou recréer l'Amicale des Anciens Elèves de l'Ecole Dordor ?

N.B.:Les passages en italique sont extraits des livres de Pierre Dimech ; "d'une jetée l'autre" et "si jamais je t'oublie Algérie... 25 ans d'Algérianisme"