-------Samedi 17 juin 2000, le Cercle algérianiste
de Nice et sa Présidente Michèle Soler avaient organisé
au Grand Séminaire une réunion-causerie sur les Tournants
Rovigo animée par Pierre Dimech, Président National, autour
d'un diaporama réunissant des photos personnelles de l'auteur.
-------Malgré une chaleur étouffante,
la salle fut rapidement remplie par 80 personnes environ et la conférence
put démarrer à 18 heures 30 précises, réalisant
ainsi un vieux projet de Pierre et moi-même.
-------Tout au long de cette promenade, l'auteur
a su nous faire partager son amour quasiment viscéral de son quartier
et d'Alger en général.
-------Parti en quête de son enfance
et des moments ensoleillés, il fut intarissable sur la vie de son
quartier.
-------Ce quartier ou "non-quartier",
un peu secret, refermé sur lui-même, était moins connu
que Bab-El-Oued ou
Belcourt, mais possédait quelques sites appréciés
entre autres : le
square Bresson,
l'Opéra, l'église Saint Augustin et la célèbre
Ecole Dordor.
-------En se remémorant de petites
anecdotes ou querelles de voisinage (la clé de la terrasse, les
jours de lessive !...), en citant le nom des commerçants à
chaque segment de virage des Tournants Rovigo, Pierre Dimech plonge tout
de suite son auditoire dans une ambiance conviviale et chaleureuse.
-------Il s'attarde ensuite sur les origines
de cette rue longue de plusieurs kilomètres,
dont le tracé en serpentin menait pratiquement du niveau de la
mer aux hauteurs des tagarins, vers El Biar. La rue Rovigo a d'ailleurs
été longtemps la seule voie menant de la basse ville jusqu'au
Sahel, donnant accès aux collines telle une route de col.
Elle est née de l'idée et de la stratégie de l'expension
française hors d'Alger.
-------Photos à l'appui, Pierre Dimech
nous démontre que les immeubles de son quartier ont été
construits dès le second empire et pour compenser la déclivité
du terrain, certains possédaient quatre étages côté
colline et sept, côté mer.
Nous pouvons admirer de splendides photos du port d'Alger prises de la
fenêtre du 55 rue Rovigo d'où Pierre pouvait s'enorgueillir
d'avoir sur un perchoir extraordinaire, une des plus belles vues du monde.
-------Il nous invite à commencer
notre promenade par le square Bresson connu pour ses bourricots, ses yaouleds,
ses ficus remplis de milliers de moineaux dont le chant faisait un vacarme
assourdissant, les soirs des journées chaudes d'été.
-------Derrière le square se trouve
l'Opéra, lieu magique qui enchanta l'adolescence de Pierre Dimech
(c'est d'ailleurs le thème d'une de ses conférences ). Sa
voisine Irène Jaumillot, premier prix
du conservatoire d'Alger en 1957 est devenue une très grande cantatrice
française; à l'âge de 20 ans elle interprétait
Marguerite dans Faust de Gounot.
-------Maintenant débute vraiment
l'ascension des Tournants Rovigo par la rue Dumont D'urville, la rue Henri
Martin, le marché de la Lyre, la rue Rovigo et le square Montpensier,
à cet endroit la Kasbah est frontalière par le boulevard
Gambetta et la rue Montpensier.
-------La rue Rovigo longe le stade Mingasson
et nous permet d'accéder au sommet de la colline, aux Tagarins
et sa tristement célèbre caserne des Gardes mobiles.
Pierre Dimech pense comme moi, que le centre des Tournants se situe au
Cadix dans un des nombreux virages en épingle à cheveux,
car ce carrefour les relie au centre d'Alger, par la rue Mogador vers
la rue d'Isly et par les rues Dupuch et Saint Augustin vers le G.G.
-------Par cette dernière et par les
rues Levacher et Pirette on peut accéder à la forêt
d'eucalyptus des Quatre Canons qui fut pour nous un jardin de fraîcheur
et de jeux les jeudis ou durant les sorties en plein air de l'école
Dordor ou du Patronage Saint Augustin.
-------L'école Dordor, chère
à mon coeur et celui de Pierre, où
l'on ne dormait pas précisément, contrairement au nom qu'elle
portait. L'enseignement prodigué était d'un niveau qui faisait
honneur à sa réputation et ce, malgré la guerre,
et les trous que celle-ci creusait au sein des enseignants. La discipline
ne lui cédait en rien, les instituteurs étaient bien encore
ces fameux "hussards noirs de la République" qui, à
l'égard des cabochards, maniaient moins la dialectique et l'ouverture
que la fessée, à savoir " la tannée "
. Nous apprécions un diplôme de Français attribué
à Pierre en 1944 par Monsieur Daumas, et une photo de classe du
cours préparatoire 1949, institutrice Madame Coulon dont j'étais
élève, ainsi qu'un croquis paru dans un roman picareste
de Jean Simonet et dont l'action se situe rue Levacher et dans le ravin
des Quatre Canons.
-------Nous admirons ensuite des photos de
l'église Saint Augustin où presque tous les habitants du
quartier ont été baptisés, ont fait leur communion
et se sont mariés. L'émotion nous saisit lorsque nous découvrons
la nef et l'autel, mais un sentiment de tristesse et de dépit nous
envahi à la projection des trois ou quatre diapos suivantes révélant
sa démolition et sa transformation en Grande Mosquée.
-------Pierre terminera sur une note plus
optimiste, un lever de soleil sur le port d'Alger, photo prise en septembre
1960.
Ce qui ne l'empêcha pas de nous lire, en épilogue, une lettre
émouvante d'un ami et voisin Luc Boivin : "Mon
ami François Vernet m'a donné ton texte sur la rue Rovigo.
Tout ancien du quartier se retrouve chez lui et que de figures inoubliables,
personnages d'opérette, devenus perles de tragédie! Je pense
à Missud, un vrai pharmacien, pas comme ceux d'aujourd'hui, transformés
par le système en boutiquiers. En face, les croissants aux amandes
des Capprioli, en bas de l'avenue Gandillot, Casalta et sa belle 350 Machless.
Une pensée pour Espitalier l'épicier et son voisin le réparateur
de TSF, j'en ai encore l'odeur du magasin; toute une noblesse populaire
que des salauds ont fait périr avant l'heure!
Ceux qui ont laissé commettre le crime inexpiable de détruire
ce petit monde sont d'ores et déjà châtiés,
Marseille en première. Je donnerai leur plus belle ville du monde,
Paris, pour deux ruelles, la rue Garoué et la rue Labardinais,
où court toujours pour moi la petite Nadège !....
.....Fais moi une dédicace qui sente la rue de Bône, ce mélange
de vent de mer, d'odeurs de cuisine,et de petites copines, plus précieux
que jamais !"
-------La réunion
s'achève sous des applaudissements chaleureux et congratulations,
avant de se retrouver à la salle de restaurant du Grand Séminaire
pour un repas convivial.
-------Je souhaite à Pierre Dimech
un succès identique pour toutes les futures promenades qu'il projette
de faire prochainement dans nos cercles.
-------Le but de ces réunions-causeries
étant de se remémorer les jours heureux de notre quartier
et de renouer des contacts avec les anciens. Pourrons-nous créer
un jour une association d'Anciens des Tournants Rovigo ou recréer
l'Amicale des Anciens Elèves de l'Ecole Dordor ?
N.B.:Les passages en italique sont extraits des livres de Pierre Dimech
; "d'une jetée l'autre" et "si jamais je t'oublie
Algérie... 25 ans d'Algérianisme"
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